Inside the New American Home
Ground Zero (3)

Article paru dans Regards croisés sur le 11 septembre, dossier dirigé par Gérard Hugues et Richard Phelan, E-rea : Revue électronique d’études sur le monde anglophone, 9.1, 2011.

Inside the New American Home sur le site de E-rea

Communication présentée lors de Regards croisés sur le 11 septembre / Perspectives on 9/11, colloque organisé par l’Équipe Aire Culturelle Nord-Américaine (LERMA, Université de Provence) en collaboration avec l’Équipe de Recherche sur l’Imaginaire Contemporain : Littérature, Imaginaire et Nouvelles Textualités (ÉRIC LINT, Figura, Université du Québec à Montréal), Aix-en-Provence, 7-9 octobre 2010.
Programme du colloque

 

Crédit photo : Cameron Bloch

Comment mesurer les événements du 11 septembre 2001 ? Des articles par milliers, de multiples travaux de recherche, des colloques partout dans le monde — et, plus à l’écart, des œuvres d’art — ont tenté depuis dix ans de le faire. Une mesure, trop rapide certes, serait de juxtaposer deux couvertures du magazine The New Yorker : celle en noir du 24 septembre 2001, créée par Art Spiegelman, et celle du 16 mai, 2011, dessinée par Gürbüz Doğan Ekşioğlu ; la première cache et néanmoins montre les tours du World Trade Center, la deuxième efface, en montrant la gomme, l’image de Oussama Ben Laden. L’effacement de l’ennemi numéro 1 des États-Unis aura-t-il apporté un sentiment de clôture partielle à ce dixième anniversaire, alors que l’inauguration du monument à Ground Zero apportera de son côté un apaisement symbolique à la blessure des attentats ? L’Amérique pourra-t-elle commencer à oublier un peu ou continuera-t-elle à proclamer « Dec. 7, 1941; Sept. 11, 2001; America will not forget ». Tout en reconnaissant son impulsion, comme David Rieff dans le magazine Harper’s, on pourrait questionner ce vœu de mémoire, si sa promesse est sans limite.

C’est à la question de l’événement qu’il s’agit ici de réfléchir. À cause de la place débordante qu’y tiennent les images et les médias, il faudra questionner aussi le statut de témoin. La mémoire appelle une réponse muséale et il s’agira de l’examiner. Seront interrogés surtout les effets institutionnels ainsi que les représentations médiatiques et esthétiques de l’évènement. Ce dossier sur la réponse politique et artistique au 11 septembre est l’émanation partielle d’un symposium international qui a eu lieu à l’Université de Provence en octobre 2010. Intitulé « Regards croisés sur le 11 septembre », il était le fruit d’une collaboration entre le Laboratoire d’Études et de Recherche sur le Monde Anglophone (LERMA, E.A. 853, Aix-Marseille Université) et le « Projet Lower Manhattan » de l’équipe ERIC LINT de l’Université du Québec à Montréal (Figura, UQAM). Les articles réunis ici rassemblent les volets Politique, Arts, Culture et Société de cette manifestation en privilégiant deux orientations : la dérive des institutions sur le plan politique d’une part, les enjeux et les défis de la représentation artistique d’autre part.

[…] À partir d’une couverture de Time Magazine datant de 2002, qui convoque désir de domination et désir domestique, la future guerre en Iraq et la maison américaine, Louise Lachapelle poursuit avec nous une étude où elle interroge l’imaginaire contemporain à partir de la figure de la maison. Réponse culturelle spécifique et problématique à la question du vivre ensemble, la maison américaine est pour elle un système offensif/défensif, un impératif non-négociable, une des expressions fondatrices de l’American-way-of-life. Selon une tradition héritée de la Guerre Froide qui pense les États-Unis comme le centre culturel de l’humanité, la maison offre un espace sécurisé d’où voir le monde, ce dont les Américains ont plus que jamais éprouvé le besoin depuis le 11 septembre. Lachapelle souligne ainsi l’obsession accrue depuis cette date pour la propriété individuelle et le lien entre cet événement et la récente crise des subprimes. Enfin, son inventaire minutieux de vingt-six expositions consacrées au 11 septembre fait ressortir les enjeux idéologiques de ce qu’elle appelle «une muséologie de guerre». Dispositifs muséaux, enceinte culturelle, front domestique : la patiente élaboration des termes de son analyse fait très clairement écho aux questions posées dans la partie politique de ce numéro.

Gérard Hugues, Sylvie Mathé et Richard Phelan
Extrait de «Introduction», Regards croisés sur le 11 septembre
Sommaire du numéro

Inside The New American Home, couverture du Time, octobre 2002

Cet article poursuit l’étude de la reconstruction sur le site du World Trade Center. Pour produire le lieu de la catastrophe comme site où la construction est possible, il aura fallu exclure rapidement la réalité des restes, débris et autres ruines. Il s’agit maintenant de prendrepour objet la constitution de ces collections liées aux événements du 11 septembre 2001 par différentes institutions muséales (dont les collections impliquant la conservation/conversion muséologique des restes), ainsi qu’un corpus d’expositions par lesquelles s’opère une mise à distance qui lève l’interdiction de voir ou de montrer les ruines et les restes afin de recréer de la frontière, aussi bien que rétablir un espace familier, « the space of [safe] viewing » (d’après Chouliaraki 2004), au centre d’une périphérie nationale et symbolique qu’on voudrait, à nouveau, croire « sécurisée » : the space of safe living, « Inside the New American Home ».
Ground Zero : Inside the New American Home continue ainsi à développer cette critique de la culture et du sens rituel de l’art (Walter Benjamin 1940) en montrant que si le secours cherché auprès de l’autorité du musée et son expertise à traiter et à disséminer « la vérité » (Azoulay 2001) suggèrent une troublante collusion des pouvoirs (Klein 2007), c’est moins parce qu’elles conservent la mémoire d’un événement que parce qu’elles entretiennent le souvenir d’un art qui sauve, autrement dit, le souvenir d’une stratégie culturelle fondée sur le sacrifice. Le rôle d’un corpus de collections et d’expositions est donc considéré en relation avec d’autres mécanismes de cohésion et de contrôle post-9/11, par exemple le Homeland Security Department, la Security Fence et la Secure border initiative, afin de mettre en évidence le rôle des musées et d’une « muséologie de guerre » au sein de ces dispositifs culturels de clôture et de ces stratégies militaires domestiques.

Louise Lachapelle
Résumé de «Ground Zero: Inside the New American Home», Regards croisés sur le 11 septembre

 

This paper will continue the study of the reconstruction process on the World Trade Center’s site. In order to produce the site of catastrophe as a space where construction is possible it was necessary to rapidly exclude the reality of remains, wastes and other ruins. Ground Zero: Inside the New American Home will focus on the organization of collections related to the events of September 11 2001 by various museums (including collections involving museological conservation/conversion of remnants) and on a body of exhibitions. These collections and exhibitions produce a distance that lifts the ban to see or show the ruins, the remains, and contribute to recreate boundaries, as well as a familiar space, “the space of (safe) viewing” (Lilie Chouliaraki 2004), at the centre of a newly “secured” national and symbolic periphery, the space of “safe” living, “Inside the New American Home.”
Inside the New American Home also continues to develop a critique of culture and of the ritual sense of art (Walter Benjamin, Écrits français 1940). If the rescue sought through the authority of the museum and its expertise in treating and disseminating “the truth” (Azoulay 2001) suggests a troubling collusion of powers (Klein 2007), it is less because their authority and expertise conserve the memory of an event than because they nurture the memory of an art which saves: in other words, a cultural strategy based on sacrifice. This paper will consider the role of such collections and exhibitions in relation with other post-9/11 mechanisms of cohesion and control, such as the Homeland Security Department, the Security Fence and the Secure Border Initiative, as well as the role of museums and a “war museology” in relation to these other cultural enclosing devices and domestic military strategies.

Louise Lachapelle
Extracts from «Inside the New American Home», Regards croisés sur le 11 septembre

Inside the New American Home sur le site de E-rea